Telli Turnalar

“Pendant les migrations, la grue cendrée traçant la route en tête du V n’a devant elle que l’horizon illimité. Mais les autres, en position décalée, ont aussi devant elles l’espace vide.”

Ce projet est né autour d’un amour partagé pour le saz et les musiques populaires d’Anatolie, celle des aşık, troubadours-poètes qui expriment sentiments et révoltes du peuple, celle des Alévis pour qui le saz est un instrument sacré, les uzun hava, complaintes au rythme libre, ou les airs de danse.

L’ensemble composé de quatre musiciennes propose une expression au féminin de ces chants d’Anatolie dans leur diversité culturelle et linguistique (leur répertoire puise dans le patrimoine turc, kurde, zaza, arménien, laze etc), reflet de la richesse du parcours de chacune. Elles chantent à la manière des aşık des chants qui s’expriment haut et fort, sans crainte. Les cordes des instruments comme de la voix vibrent à l’intensité de ces poèmes. Chaque voix avec son timbre particulier est tour à tour soliste ou pièce d’une architecture faite de polyphonie et d’arrangements subtils incluant les saz, (luths anatoliens), les percussions et la vielle à roue, instrument européen dont le son paraît ici provenir des montagnes d’Anatolie ou des plaines de Mésopotamie. Parfois encore elles résonnent à l’unisson pour porter parole et émotions au firmament.

L’ensemble cherche ainsi à faire entendre la voix trop souvent inaudible des femmes, dont les souffrances transparaissent dans plusieurs de ces chants. Elles chantent également les liturgies d’Orient des différentes confessions présentes en Anatolie à travers notamment les textes de grands poètes mystiques ancestraux tels que Yunus Emre (XIII eme siècle), Pir Sultan Abdal (XV ème), Dedemoglu (fin 17ème-18ème siècle) et contemporains tels que Davut Sulari et Kul Ahmet (XXème siècle). C’est un syncrétisme intéressant qui s’opère entre ces quatre musiciennes. Deux européennes ayant vécu en Turquie et deux musiciennes d’origine anatolienne ayant grandi en France se retrouvent ainsi dans une quête commune, faite d’ouverture, de spontanéité et et de générosité.

Eléonore Fourniau : chant, saz, vielle à roue

Cangül Kanat : chant, saz

Gülay Hacer Toruk : chant, percussions

Petra Nachtmanova : chant, saz